Penser l’interconnexion : Le post-humanisme utopique de Björk
Mardi 21 février 2023
12h00 - 13h00
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En 2014, le philosophe Timothy Morton et la chanteuse Björk ont entretenu puis publié un échange de courriels qui met en évidence les affinités entre leurs conceptions. En effet, la perspective déployée par Björk au fil de ses albums nourrit des analogies avec la pensée écologique de Morton, qui consiste à aborder le monde en termes d’interconnexion, non seulement des êtres humains entre eux mais également de tout ce qui est, vivant ou non, animé ou inanimé.
Ainsi, l’œuvre rhizomatique Biophilia (2011) met en valeur le maillage du microscopique au macroscopique (du chromosome à l’univers) autour de l’union de la nature, de la musique et de la technologie. Björk révèle alors l’inscription de l’humain dans son écosystème en brouillant le système hiérarchique issu de l’humanisme. Ce faisant, elle vise à renouer avec notre humanité profonde, puisqu’elle qualifie l’album de « folk music de notre temps ». Cette perspective relevant d’une sorte de néo-paganisme via l’usage de technologies modernes (Biophilia est le premier app-album de l’histoire de la musique) fait écho à l’histoire de son pays – l’Islande – alliant enracinement de conceptions spirituelles traditionnelles persistantes et modernité la plus avancée.
Guidée par les vertus transformatives de la musique conçue comme médiatrice au service d’une révolution ontologique, Björk opère une synthèse temporelle en se référant à la fois à un état pré-civilisationnel (sans religion, sans État, sans classe…) et formule l’utopie futuriste d’une tribu post-humaine atteignant l’unité à la fois en son sein et avec son écosystème, et réalisant cet idéal à travers un son commun.
Benjamin Lassauzet
Benjamin Lassauzet est docteur en musicologie, professeur agrégé à l’Université Clermont-Auvergne, chercheur au CHEC (Centre d’Histoire « Espaces et Cultures ») et membre du CREAA (Centre de Recherche et d’Expérimentation sur l’Acte Artistique). Après avoir consacré ses travaux à la musique de Debussy, notamment sur l’humour (L’Humour de Claude Debussy, Hermann, Paris, 2019, « Coup de Cœur » du Prix France Musique des Muses 2020) il s’oriente davantage vers les musiques actuelles islandaises, leur consacrant plusieurs communications et préparant un ouvrage consacré à Björk. Son article « À propos d’identité. Analyse de la pop music islandaise moderne de Björk » (Musurgia, XXVII/3, 2020) a reçu le Prix Jean-Jacques Nattiez 2020.