récital commenté/lecture-recital « Figure performative et eccéité : L’idée musicale comme singularité pré-individuelle et impersonnelle dans Tambours intérieurs (2010) »

Jeudi 23 février 2023

13h15 - 16h00

De Iannis Xenakis pour qui la musique « doit viser à entraîner […] vers l’exaltation totale dans laquelle l’individu se confond, en perdant sa conscience » , à Gérard Grisey affirmant que « La composition de processus […] est inhumaine, cosmique et provoque la fascination du Sacré », rejoignant ce que Deleuze définit comme la splendeur du ON : « un mode d’individuations impersonnelles et de singularités pré-individuelles », en passant par Steve Reich pour qui « Musical processes can give one a direct contact with the impersonal[,]… makes possible that shift of attention away from he and she and you and me outward toward it » , la musique contemporaine explore ce que Gilles Deleuze et Félix Guattari appellent un « vécu non-humain de l’homme ». 

En tant que singularité pré-individuelle et impersonnelle, l’événement musical devient eccéité, et libère des blocs de sensation où « les sensations, percepts et affects, sont des êtres qui valent par eux-mêmes et excèdent tout vécu ». À travers l’idée que la musique « s’efforce de rendre sonore des forces qui ne le sont pas », l’expression et la représentation font place à un paradigme où, selon Sauvagnargues, « il s’agit moins de répudier les formes que d’en proposer une conception nouvelle, comme forme matérielle et sensible, variable et intensive, et non comme forme abstraite donnée ». Deleuze et Guattari diront ainsi que « le rapport essentiel n’est plus matières-formes », mais plutôt « matériau-forces », et que « le matériau c’est une matière molécularisée, […] qui doit à ce titre “capter” des forces, lesquelles ne peuvent plus être que des forces […] d’un Cosmos énergétique, informel et immatériel ».

Dans mes compositions, le concept de Figure performative formalise une telle approche de l’idée musicale à travers un ensemble de stratégies et de techniques. Dans ce concert-conférence, mon œuvre Tambours intérieurs (2010) sera analysée en présence du Quatuor Bozzini, permettant ainsi de montrer comment cette pensée du « vécu non-humain » s’incarne paradoxalement et nécessairement dans l’action et le corps des interprètes.


Jimmie LeBlanc

Dans ses compositions, Jimmie LeBlanc aborde l’idée musicale en termes de capture de forces et de logique de la sensation, notamment à travers le concept de Figure performative. Les interprètes de sa musique comptent l’Ensemble Contrechamps, Esprit Orchestra, le Quatuor Bozzini et Continuum Ensemble. LeBlanc s’est mérité un 3e prix au Lutosławski Award (2008), ainsi que le Prix Jules-Léger de la nouvelle musique de chambre (2009). Ses recherches concernent la sémiotique musicale et l’esthétique; il siège sur le comité de rédaction de la revue Circuit – Musiques contemporaines et enseigne la composition à la Faculté de musique de l’Université de Montréal.

Quatuor Bozzini

Depuis 1999, le Quatuor Bozzini est une voix originale à la défense des musiques nouvelles, expérimentales et classiques. Moteur de la scène hyper créative de Montréal et au-delà, le quatuor cultive une approche qui fait la part belle au risque, à l’expérimentation et la collaboration, et s’aventure hors des sentiers battus. Par leurs critères de qualité rigoureux, ils ont contribué à la création d’un répertoire diversifié qui fait fi des tendances et des modes. Au fil des ans, ils ont commandé plus de 400 pièces et en ont créé près de 500. Leur approche ouverte, collaborative et dirigée par des artistes a permis la réalisation de nombreuses productions innovantes et très appréciées, y compris des projets interdisciplinaires avec la vidéo, le théâtre et la danse.