Rites de machines : Visions artistiques d’un monde post-humain dans Thinking Things de Georges Aperghis

Samedi 25 février 2023

9h00 - 12h00

Cette conférence traite des aspects post-humains et post-digitaux dans la pièce de théâtre musical Thinking Things (2018) de Georges Aperghis. Dans la première partie de ma conférence, je mettrai l’œuvre en contexte avec ses deux compositions précédentes, Machinations (2000) et Luna Park (2011). Les trois pièces abordent la relation triangulaire problématique entre l’homme, la machine et la nature non humaine. Cependant, elles le font sous des auspices différents. Pour expliquer la cohésion interne de cette trilogie informelle, j’utiliserai le modèle anthropologique culturel du « drame social » de Victor Turner, avec ses étapes caractéristiques : « rupture, crise, redressement et réintégration ou schisme » (Turner 1980). Dans cette logique, Machinations représente la « rupture ». La machine à connotation masculine envahit l’union fragile de la femme et de la nature. La « crise » qui s’ensuit est mise en scène dans Luna Park comme une dystopie où la surveillance par les machines est omniprésente. Le « redressement » se produit quant à lui dans Thinkings Thinks sous la forme des rites de passage esthétisés, menant à la vision éphémère d’un nouvel ordre mondial possible, oscillant entre « schisme » et « réintégration ».

À travers le prisme des théories post-humaines et post-digitales, j’examinerai de plus près ce processus quasi-rituel dans Thinking Things dans la deuxième partie de ma conférence. La fin de la mythification de l’intelligence artificielle en termes positifs et négatifs a laissé des traces évidentes ici. L’ordre obsolète de la suprématie humaine soutenue par la technologie est renégocié en un nouvel équilibre cybernétique entre la machine et la vie organique sur une relation d’égal à égal. Dans une installation expérimentale, Aperghis et son équipe explorent sous quelle forme l’être humain peut perdurer dans ce nouveau monde, si jamais il le peut. Afin de se rapprocher de la vision artistique d’Aperghis, j'analyserai des configurations de symboles audiovisuels distinctes de Thinking Things à l’aide des perspectives théoriques de Donna Harraway et Maurice Benayoun, entre autres.


Léo Dick

Né en 1976 à Bâle, Léo Dick a étudié la composition avec Georges Aperghis à la Haute école des arts de Berne (HKB). Depuis 2009, il enseigne dans le programme de master Composition and Creative Practice à la HKB. Depuis 2017, il est membre de l’équipe de recherche à la HKB. En 2018, il a publié sa thèse de doctorat sur l’acte de parole dans le théâtre musical contemporain, puis a obtenu en 2019 une bourse postdoctorale (Ambizione) de quatre ans du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) pour son projet de recherche Opera mediatrix.