Wild Women and the Posthuman Subject in Marcelle Deschênes’s Griffes (2000, 2002)

Samedi 25 février 2023

9h00 - 12h00

Dans la musique de Marcelle Deschênes, les questions d’individualité, de nature, de technologie et d’expérience incarnée sont des thèmes récurrents. Sa musique, d’une certaine manière, peut être considérée comme articulant une multiplicité d’expérience, qui embrasse simultanément les sujets actifs que sont les créateurs, interprètes, auditeurs, la technologie et la nature. Afin de déjouer les notions stéréotypées et centrées sur les hommes dans le monde de la création électroacoustique, la subjectivité humaine, l’agence technologique, le monde naturel, et une multiplicité de perspectives humaines et non humaines sont mobilisés dans un dialogue à plusieurs couches dans sa musique. Dans cet article, j’examinerai Griffes de Marcelle Deschênes (2000, 2002) afin d’observer de quelles façons les questions de présence, d’individualité et d’incarnation sont reformulées, et de constater la complexité émanant des dichotomies traditionnelles entre « Homme »/ machine et nature/culture.

Griffes, une œuvre électroacoustique à grande échelle divisée en deux parties, Indigo (2000) et Le bruit des ailes (2000, 2002), est basée sur des recherches sur les archétypes dits « féminins » dans les contes de fées et les mythes par deux psychanalystes jungiennes, Marie-Luise von Franz et Clarissa Pinkola Estés. La notion de l’archétype de la « femme sauvage » d’Estés est particulièrement fondamentale pour Griffes. Selon Estés, les « Femmes sauvages », métaphoriquement liées aux loups, ont été vilipendées, capturées, tuées et apprivoisées : « Au fil du temps, nous avons vu la nature instinctive féminine pillée, repoussée et construite... Les terres spirituelles des femmes sauvages ont, tout au long de l’histoire, été pillées ou brûlées, des tanières rasées au bulldozer et des cycles naturels forcés dans des rythmes non naturels pour plaire aux autres » (Estés, 1992, 3).  Griffes apparaît comme une évocation musicale de l’appel à l’action d’Estés pour que les femmes reprennent leurs « terres spirituelles » et « wolf-women Selves ».

À travers le prisme des théories offertes par le post-humanisme, en particulier découlant des discours féministes, je discuterai de la façon dont Deschênes reformule les frontières du soi, et complexifie les frontières traditionnelles entre la technologie et la nature, ainsi que l’humain et le non-humain. De plus, je discuterai de la façon dont Deschênes, dans Griffes et dans son œuvre plus largement, remet en question la domination d’une subjectivité masculine stéréotypée au sein de la création électroacoustique, et permet une exploration plus large des relations interconnectées et dépendantes entre les humains (elle-même une catégorie panachée), de la nature et la technologie.


Breanna Stewart

Breanna Stewart est présentement doctorante en musicologie à l’Université McGill, après avoir complété sa maîtrise à la même institution, et son baccalauréat en Music Honors de l’Acadia University. Ses recherches passées sont centrées sur des problématiques relatives au modernisme, à la dichotomie innovation/tradition et à l’historiographie de la musique française post-1945, plus précisément celle d’Henri Dutilleux. Elle étudie présentement la musique de la fin du XXe siècle et du XXIe siècle, particulièrement la musique électroacoustique et canadienne; le genre et la sexualité; la maternal theory, la maternité, les théories du care; la subjectivité; le post-humain et les nouvelles materialist theories; ainsi que l’environnementalisme musical.